Perdrix grise : une étude génétique est lancée en Wallonie. Appel à contribution !

Par A. Licoppe (SPW-ARNE, DEMNA) et J. Widar (SPW-ARNE, DNF)

Points-clés :

  • La situation de la perdrix est particulièrement défavorable
  • Les plans de gestion sont une première réponse pour endiguer son déclin
  • Pour mieux préserver les souches sauvages, une étude génétique est indispensable
  • Cette étude nécessite des échantillons de perdrix chassées (1 doigt et 1 plume)
  • Que votre territoire ait fait l’objet de lâchers ou non importe peu
  • Vous pensez pouvoir fournir au moins un échantillon ? Manifestez-vous auprès de Jérôme WIDAR (Tél. 081/33 51 99, mail : widar@spw.wallonie.be)

La perdrix grise est « confrontée à un risque très élevé d’extinction à l’état sauvage ». Ce sont les termes officiels qui s’appliquent aux espèces classées dans la catégorie « En danger » de la Liste Rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

« La chasse est la cause du déclin de la perdrix ! » C’est une idée répandue chez les non-chasseurs. Et on doit admettre qu’il n’est généralement pas recommandé de soumettre à la chasse une espèce en difficulté, même si la chasse n’est pas la cause de son mauvais état de conservation. La chasse peut indéniablement constituer une cause aggravante : même des prélèvements très faibles peuvent contribuer à augmenter le risque d’extinction de populations locales.

« La chasse est une valeur ajoutée pour la perdrix ! » C’est une autre idée, répandue chez les chasseurs quant à elle. Il est vrai que par l’intérêt porté à l’espèce, des chasseurs peuvent contribuer à l’objectif de remettre les populations dans un état de conservation favorable. Leur motivation pour accroitre la qualité de l’habitat et pour réguler les prédateurs peut être déterminante. Bien encadrée, la chasse durable à la perdrix est tout sauf impossible.

Les uns et les autres n’ont pas tout à fait tort, ni tout à fait raison.

Plan de gestion

La Wallonie a décidé en 2020[1] d’accorder sa confiance aux chasseurs, tout en leur demandant de rendre des comptes sur leur contribution en faveur de la perdrix. C’est l’objet du « plan de gestion » imposé à tous ceux qui souhaitent chasser la perdrix.

Les premières données transmises par les chasseurs en 2022 ont été analysées par le SPW-ARNE. On constate certaines avancées, mais également des lacunes. Trois propositions ont été faites pour améliorer le système :

  1. obtenir des données de qualité, en particulier sur les populations au printemps (les résultats font l’objet d’un article séparé) ;
  2. limiter les risques liés aux repeuplements, en particulier sur le volet génétique (les objectifs sont développés ci-dessous) ;
  3. optimiser les conditions autorisant la chasse.

Pour répondre aux deux premiers points, les monitorings suivants ont été entrepris :

  • organiser des comptages de perdrix au printemps ; 
  • réaliser une étude sur la génétique des perdrix en Wallonie.

Le système du plan de gestion mis en place reste en effet fragile. Il n’est viable que si l’on se donne les moyens de s’assurer que la pratique de la chasse respecte « les principes d’une utilisation raisonnée » selon les dispositions de la Directive européenne « Oiseaux »[1]. C’est le moment pour les chasseurs de prouver, en toute transparence, qu’ils s’impliquent activement en faveur de la perdrix et que la chasse peut être une valeur ajoutée pour l’espèce.

Repeuplements et risques génétiques

Avec les lâchers de repeuplement, l’objectif premier est de développer une souche sauvage, en général au départ d’animaux d’élevage, qui se reproduira sur le territoire. Ils concernent les territoires dont la population naturelle est trop basse pour se reconstituer par elle-même.

Le repeuplement en perdrix est autorisé pour autant que toutes les précautions soient prises pour éviter les impacts négatifs des oiseaux lâchés sur les populations sauvages, sur les plans sanitaire et génétique.

Un préalable pour atteindre cet objectif est de connaître les populations locales sur le plan génétique, au risque de faire pire que mieux en repeuplant. En effet, les lâchers se pratiquent communément avec des individus qui ont des caractéristiques plus ou moins éloignées de celles des individus sauvages. Ces individus peuvent différer aux niveaux physiologique, anatomique, génétique ou comportemental. Les différences peuvent impacter négativement les populations sauvages de ces espèces. C’est donc à éviter à tout prix.

Le premier risque est l’hybridation

Le croisement avec d’autres espèces de la famille des phasianidés (dont la perdrix fait partie) est possible et observé, tant en captivité que dans la nature, mais reste rare. La préoccupation concerne davantage les cas d’introgression de gênes de populations de perdrix d’élevage dans les populations sauvages. On parle d’hybridation intraspécifique

En cas de repeuplement, il est primordial de s’assurer que les oiseaux qu’il est envisagé de lâcher proviennent bien des souches les plus proches possible de notre souche sauvage[2]. Introduire des oiseaux d’autres souches pourrait entraîner des risques génétiques importants et, à terme, affaiblir nos souches sauvages.

Le second risque est l’appauvrissement génétique

Le manque de diversité génétique entraîne lui-même deux problèmes :

  • des pertes de vigueur, de rendement de la reproduction et des chances de survie (on parle de « dépression de consanguinité ») ;
  • et des difficultés à survivre et à s’adapter face aux changements de l’environnement suite au manque de variabilité génétique.

Les risques génétiques seront réduits si les reproducteurs des élevages sont issus de populations source proches des sites de destination, s’ils montrent une bonne diversité génétique et s’ils n’ont pas subi de dérive génétique.

C’est dans ce cadre qu’une étude sur la génétique des populations wallonnes de la perdrix grise sera réalisée lors de la saison cynégétique 2024. Son objectif général consiste à disposer d’une image la plus complète possible de la diversité génétique des perdrix wallonnes afin de recommander, en toute connaissance de cause, les mesures de gestion utiles à la sauvegarde de l’intégrité génétique de la souche sauvage.

Pour une bonne interprétation des résultats, l’étude doit porter sur un grand nombre d’échantillons provenant de toute l’aire de distribution de la perdrix en Wallonie. L’objectif fixé avec les généticiens est de minimum 500 échantillons. La réussite de l’étude dépend de la contribution des chasseurs.

Appel à contribution

Tous les chasseurs qui ont des perdrix sur leur territoire peuvent apporter leur contribution, que le territoire ait fait l’objet de lâchers anciens, récents ou pas.

Vous pensez pouvoir fournir au moins un échantillon ? Manifestez-vous auprès de Jérôme WIDAR (Tél. 081/33 51 99, mail : jerome.widar@spw.wallonie.be) et vous recevrez par la Poste les contenants utiles.

Le jour où vous aurez une perdrix entre les mains…

  • Prenez un échantillon :
    • en fin de journée de chasse, ou dans les 24 h, collectez l’orteil entier, mais aussi une rémige extérieure (plume de l’aile) des oiseaux prélevés ou trouvés morts ;
    • un seul orteil et une seule plume par oiseau ;
    • un seul oiseau par contenant ;
    • placez les échantillons dans un contenant :
      • si vous ne congelez pas : un flacon avec de l’éthanol (avec l’orteil et la plume) ;
      • si vous congelez : un sachet en plastique zippé (avec l’orteil et la plume).

  • Sur l’étiquette du contenant, renseignez :
    • la date du prélèvement ;
    • l’ancienne commune ou le village où a eu lieu le prélèvement ;
    • le prénom et le nom d’une personne de contact et son numéro de GSM.
  • La conservation des échantillons se fait :
    • soit au congélateur à -20°C, dans ce cas, pas besoin de plonger l’échantillon dans de l’alcool. Si vous ne souhaitez pas utiliser votre congélateur, ceux du « Réseau de surveillance de la santé de la faune sauvage » sont disponibles ;
    • soit à température ambiante, dans de l’éthanol à 95 ou 99 %. NB. : les flacons d’alcool transmis par le DEMNA-DNE dans le cadre de l’analyse de la reproduction du lièvre peuvent parfaitement convenir pour la conservation des échantillons de perdrix.
  • Contactez Jérôme Widar pour lui signaler l’existence d’un ou de plusieurs échantillons chez vous. Nous nous chargerons de les rapatrier vers le laboratoire.

L’échantillonnage sera réalisé de septembre à novembre 2024. Les analyses devraient être réalisées entre avril et mai 2025. Nous espérons pouvoir diffuser les résultats dans le courant de l’automne 2025.

En fin de compte…

Finalement, cette étude sur la génétique de la perdrix grise en Wallonie doit nous permettre, à terme, de préserver les souches sauvages, en vue de leur redéploiement dans les habitats favorables. C’est particulièrement important pour une espèce gravement menacée comme la perdrix. L’avenir de sa chasse est intimement lié aux actions partenariales en faveur de l’espèce, telles que ce projet d’étude.

Merci à toutes les personnes intéressées par une participation de se manifester auprès de Jérôme Widar, attaché à la Direction de la Chasse et de la Pêche. Il s’agit de lui indiquer, par téléphone ou par mail, que vous êtes prêts à fournir un ou plusieurs échantillons de perdrix lors de la saison cynégétique 2024/2025. Nous reprendrons alors contact avec vous pour vous fournir le matériel nécessaire et vous aider dans la démarche.

Votre contact : Jérôme WIDAR, tél. 081/33 51 99, mail : jerome.widar@spw.wallonie.be

Références

Bro, E. (2016) – La perdrix grise. Biologie, écologie, gestion et conservation. Biotopes. Mèze. 304 p.

Liukkonen-Anttila, T., Uimaniemi, L., Orell, M. & Lumme J. (2002) – Mitochondrial DNA variation and the phylogeography of the grey partridge (Perdix perdix) in Europe: from Pleistocene history to present day populations.

UICN (2012) – Lignes directrices de l’UICN sur les réintroductions et les autres transferts aux fins de la sauvegarde, Commission de sauvegarde des espèces, 38 p.