Lettre à mon frère écolo [Fr]

Par Philippe Danthine

Cher frère,

Toi écolo affirmé, moi, chasseur, nous sommes tous les deux des passionnés de la nature, mais il y a entre nous des différences fondamentales…Dans ton optique, il faut laisser la nature se gérer toute seule, l’équilibre entre prédateurs et proies se fera naturellement.

Dans mon esprit, l’homme a déséquilibré la nature tant par la surpopulation que par ses activités. Et, donc, la nature ne s’équilibrera pas toute seule et il faut la gérer.

Tu veux des exemples ?

Il y a 20 ans, les rapaces étaient menacés, surtout à cause de divers produits chimiques qui empoisonnaient leurs proies et fragilisaient les coquilles des œufs de certaines espèces.

Depuis lors, tous les rapaces sont protégés et, pour la plupart, ils ne sont plus menacés.

Maintenant, c’est eux qui, en partie, menacent une petite faune de plaine déjà mal en point. La perdrix, le lièvre, le vanneau, l’alouette résistent difficilement.

Mais, bizarrement, j’ai l’impression que tu ne te soucies pas de ces espèces…

Je ne comprends pas que tu ne défendes que le fort et pas le faible…

Tu vas me répondre que, dans le même biotope, la caille des blés résiste pas mal et donc que le rôle des prédateurs est minime.

Mais la caille des blés migre en août, époque où la plaine est encore couverte de cultures protectrices.

La conjugaison de l’agriculture intensive et de l’augmentation des prédateurs, rapaces, mais aussi hérons, aigrettes, fouines, renards, etc… condamnent, sans notre intervention, toute cette petite faune…

Mais, le plus souvent, nous, chasseurs, sommes les seuls à aménager la plaine.

Autre sujet : le sanglier. Tu nous accuses d’être le responsable de l’augmentation excessive de l’espèce.

Toutes les personnes objectives savent que le réchauffement climatique, la culture intensive du maïs et, surtout, la fructification forestière sont les premières causes de l’augmentation des populations de sangliers, et ce, de l’Atlantique à l’Oural, aurait dit le Général de Gaulle.

Et que les prétendus excès ne sont les faits que de quelques chasseurs.

Le sanglier, espèce adaptative, profite de ces modifications.

De plus, sachant son espérance de vie limitée (96 % sont tirés avant l’âge adulte) les femelles deviennent fécondes de plus en plus jeunes.

On peut multiplier les exemples.

Tu défends le bien-être animal. Comment peux-tu encourager l’extension exponentielle du loup ? Où est le bien-être animal pour les 12000 moutons tués en France et dont la moitié sont dévorés vivants…Où est le bien être animal pour tous ces animaux sauvages stressés de façon permanente dans nos forêts…

En plus, voici qu’arrive le chacal doré, etc…

Quelle nature aimes-tu ?Dans quelques années, nos forêts seront désertes. Le loup ne régule pas. Il mange un animal par semaine. Et il commence par les moutons, c’est plus facile. Mais, je comprends la haine de l’éleveur à ton égard quand il voit dévorer, devant ses yeux l’objet de sa passion ou de son gagne-pain.

En montagne, l’idolâtrie que tu voues au loup, à l’ours ou autre lynx va très bientôt y faire disparaître toute biodiversité.

Dans les Alpes,40 % des éleveurs abandonnent les estives. La fabuleuse biodiversité de ces prairies d’altitude disparaît, envahie par les genêts puis par les arcosses, puis la forêt… toutes les fleurs de nos jardins sont à l’état sauvage dans ces prairies. Ce fabuleux patrimoine va très vite disparaître par ta faute. Tu n’a pas bien saisi les vrais enjeux.

Oui, je chasse le chamois en montagne. Mais, c’est avec un plan de gestion. Des comptages sont faits au printemps. Un plan de tir est déterminé. Et, ces chamois, ce sont souvent les chasseurs qui les ont réintroduits dans les régions d’où ils avaient disparu.

Par contre, toi, écolo, tu as introduit les bouquetins dans le massif du Bargy, jurant que jamais on ne les chasserait. Maintenant en surnombre (les loups sont incapables de les atteindre) ils sont atteints de brucellose qu’ils communiquent aux vaches du Beufortin…

Au lieu de réguler par la chasse, tu fais réguler les bouquetins par des agents de l’état, aux frais des contribuables.

Tu n’as rien compris.

La nature est déséquilibrée par notre surnombre et nos activités, nous devons participer à son équilibre.

Tu espères que le loup va remplacer les chasseurs. Le loup va d’abord manger les brebis, ensuite le gibier, enfin les poubelles (ou les enfants ?)

Si c’est cette nature que tu veux, je te la laisse afin que tu puisses en faire un désert rapidement.

Bientôt, ta passion de l’écologie sera entretenue par des souvenirs de ta jeunesse, époque où une nature sauvage existait…

Moi, au contraire, tant que j’en serai capable, je défendrai cette vie sauvage.

Je laisse, cher frère, cette missive à ta réflexion.